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Blog à bouquins
17 janvier 2008

L'Afrique

11CVPGBBFFLMadame Bâ, Erik Orsenna

  Pour retrouver son petit-fils préféré qui a disparu en France, avalé par l'ogre du football, Madame Bâ Marguerite, née en 1947 au Mali, sur le bords du fleuve Sénégal, présente une demande de visa. Une à une, elle répond scrupuleusement à toutes les questions posées par le formulaire officiel 13-0021. Et elle raconte alors l'enfance émerveillée au bord du fleuve, l'amour que lui portait son père, l'apprentissage au contact des oiseaux..., sa passion somptueuse et douloureuse pour son trop beau mari peul, ses huit enfants et cette étrange "maladie de la boussole" qui les frappe...
Sans fard ni complaisance, c'est l'Afrique d'aujourd'hui qui apparaît au fil des pages, l'Afrique et ses violences, ses rêves cassés, ses mafias, mais aussi ses richesses éternelles de soliarité et ce formidable tissage entre les êtres.
Quinze ans après L'exposition coloniale, Erik Orsenna explore à nouveau les relations de la France avec son ancien empire. Mais cette fois, c'est le Sud qui nous regarde.

Voilà un autre de mes coups de coeur du moment. Madame Bâ, magnifiquement racontée par Erik Orsenna, nous livre sa vie de femme africaine du Mali, bercée par le rythme du fleuve Sénégal.
La construction est originale, se basant sur un formulaire de demande de visa. Chaque chapitre reprend une rubrique: après tout, ce roman est le dernier recours de Marguerite Bâ, épouse Dyumasi, auprès du Président de la République française pour obtenir un visa et rejoindre son petit-fils en France.
On y découvre sa vie, de sa naissance mouvementée à son mariage, puis femme seule avec huit enfants au service de son pays, d'abord engagée dans le co-développement avec la France (co-développement toujours éminemment politique, mais rarement en phase avec la population africaine...) pour devenir ensuite institutrice portée par l'espoir que "la nouvelle génération, mieux instruite, bâtirait une planète plus douce à vivre que la précédente".
Mais en Afrique, rien n'est simple, et on découvre aussi que souvent, comme le souligne Marguerite, son continent a une spécificité, c'est que "le pire a cette capacité démoniaque d'engendrer de l'encore pire". La femme africaine a la vie dure...mais elle ne se plaint pas.
Malgré tout, c'est un réel plaisir de s'immerger dans cette Afrique qui nous renvoie notre image d'Occidentaux complètement décalée d'avec leur réalité.
Lorsqu'on lit ce livre, on est submergé par les odeurs, les couleurs, le soleil et on imagine le grand fleuve Sénégal et ses méandres. A lire pour vivre un chaleureux dépaysement avec une femme qui sort de l'ordinaire, Madame Bâ.

Les premières lignes:
 
Monsieur le Président de la République française.
   J'ai bien réfléchi: notre ancêtre est un oiseau. "ô serefana ni yéliné gna", comme nous disons, nous autres Soninkés.
   Je me suis éloignée du village, j'ai marché entre les pousses de mil, j'ai posé les deux mains sur ma tête pour me protéger du soleil, j'ai froncé les sourcils pour m'étirer le cerveau et j'en suis arrivée à cette conclusion: celui qui ne remonte pas aux siècles lointains des ailes ne comprend rien à notre histoire.
   Evidemment, je pourrais farfouiller encore plus haut dans les souvenirs.
   Au commencement était la mer, qui recouvrait l'Afrique.
  Au commencement était le désert, quand la mer se retira.
  Une origine est toujours la fille d'une origine plus ancienne.

Ma note: 9 / 10

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Commentaires
F
Moi ça me dit bien, j'aime bien Orsenna, je me souviens d'avoir dévoré L'exposition coloniale au moment de sa sortie. Et j'ai dans ma PAL La grammaire est une chanson douce...
J
J'ai toujours accroché aux bouquins de Erik Orsenna, il y en a très peu que je n'ai pas lu (il me semble d'ailleurs qu'on m'en a emprunté un dernièrement) mais celui-là en fait partie. En fait, j'ai essayé et c'est le seul que je n'ai pas fini. Allez savoir pourquoi, parce que je préfère Orsenna en France peut-être. "L'exposition coloniale", "Grand amour", "Deux étés" ou encore "Portrait du Gulf Stream" m'ont beaucoup plus plu.<br /> <br /> Malgré cela, je lirai encore Erik Orsenna...
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