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Blog à bouquins
31 mai 2008

Un certaine idée de gauche

41Y9RBHJ64LLe jardin du Bossu, Franz Bartelt

  "Il était là, le con ! Rond comme un bidon. Entouré d'une flopée d'ivrognes encore plus saouls que lui. Je ne l'avais jamais vu en ville. J'ai demandé au Gus qui c'était. Il n'en savait rien. J'ai recommandé une bière. Le type se vantait. Il ne parlait que de son pognon. Il en avait, puisqu'il payait les tournées en sortant de sa poche des poignées de billets. Il refusait la monnaie. Il s'y croyait. Le con. Ah, le con ! Le Gus m'a dit qu'il était déjà saoul en arrivant. Il avait touché la paie ou quoi ? Il buvait du vin blanc limé. De temps en temps, il se levait et chantait une connerie. Il y a connerie et connerie. Les siennes, c'était des conneries de l'ancien temps. On n'y comprenait rien. Des histoires de drap du dessous, que c'est celui qui prend tout. Qu'est-ce que ça voulait dire ? Il retombait sur sa chaise, comme un sac. Il se remettait à parler de son pognon. Il en avait des tas. Stocké dans le tiroir de la salle à manger. Tout en liquide.
- T'as pas peur de te faire attaquer ? a demandé un des gars."

Ce livre est une plongée dans l'esprit très "idée de gauche" - comme il se décrit lui-même, du héros, ou plutôt de l'anti-héros. Ici, le con n'est pas vraiment celui qui est annoncé. Avec sa philosophie très particulière, sa poésie du quotidien (il est friand d'alexandrins qu'il composent au gré de son inspiration: "Ah, je ferme les yeux et je revois ton cul ! Etre aveugle sera désormais mon seul but."), notre homme se met en tête d'arnaquer un autre pauvre ivrogne croisé dans un bar. Après tout, sa charmante moitié, qui a fait l'école ménagère et à qui on ne la fait pas, ne veut pas le voir revenir à la maison sans argent. Voilà donc une solution facile et sans danger. Croit-il.
Pour son malheur, il va donc croiser le chemin de Jacques, rejeton dévoyé d'une dynastie d'industriels et de star du petit écran, qui va ainsi pimenter sa vie contre son gré. Mais grâce à lui, il va peut-être découvrir quelques grandes vérités sur lui-même.
J'ai adoré l'humour très caustique de l'auteur. De bout en bout, ça ne s'arrête pas. C'est juste l'histoire d'un pauvre gars, finalement très banal, dont on a du mal à ne pas se moquer. Si, en fait, on ne fait que ça, se moquer de sa "connerie". Mais après tout, certaines de ses réflexions sur la vie et des types comme lui, on a déjà dû en croiser...
J'ai passé un très bon moment même si la fin m'a légèrement déçue. Je m'attendais à autre chose. Mais je recommande tout de même ce livre, qui présente, à mes yeux, une des caractéristiques du style de Bartelt, son ironie très décalée.

Extrait (p. 15 /16)
   
Moi, quand j'avale, j'arrête entre trente et quarante. Toujours de la bière. Pas de mélange. Trente ou quarante bières, il y en a assez pour voir le monde en couleur, je crois. Plus, ça serait du vice, de la drogue, une mauvaise pente. L'alcool, mieux vaut ne pas s'y habituer. En tant que basé sur l'idée de gauche, je suis de la matière qui a pris conscience d'elle-même. C'est pas le cas de l'homme basé sur l'idée de droite. Celui-là, il se voit fils de Dieu, créature du ciel, descendant les fleuves impassibles dans l'arche de Noé. Des légendes. En tant que matière qui a pris conscience d'elle-même, je suis sensible à l'humidité. Je gonfle comme du bois. Je flotte pareil. Mais, prudent et responsable, je m'interdis de naviguer par gros temps. Au-dessus de trente bières, le risque du coup de vent n'est pas négligeable. Très peu pour moi. Je suis un partisan de la raison raisonnable.

Ma note: 8 / 10

=> A voir: interview de l'auteur sur le site Pol'art Noir

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