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Blog à bouquins
4 août 2008

Immigrée

51f8BcFmONLDouce France, Karine Tuil

Une jeune femme sans histoires est arrêtée par erreur avec des immigrés clandestins. Au lieu de protester, mi-fascinée, mi-voyeuse, elle endosse l'identité d'une Roumaine sans papiers et devient la prisonnière involontaire d'un centre de rétention administrative de la région parisienne. Elle découvre alors un autre monde: tour de Babel des langues, machine bureaucratique, attente effrayée de la décision du juge: libération ou renvoi au pays. Roman coup de poing, à mi-chemin de l'indignation et de la lettre d'amour aux siens, qui tourne autour d'une question obsédante: quel prix faut-il payer pour avoir la certitude d'une terre à soi ?

J'ai hésité avant de le lire, mais finalement je ne regrette pas. Un roman sur ce sujet pouvait être difficile à traiter. Mais l'auteur s'en sort vraiment bien. A travers la propre histoire de l'héroïne, on découvre le sort universel de tous les migrants, déracinés, en attente d'un monde meilleur. Ses parents, Juifs d'Afrique du Nord naturalisés Français dans les années 60, ont toujours eu du mal à assumer leur condition, se sentant sans cesse inférieurs aux "vrais" Français. Leur fille a imprimé cette pensée en elle, à telle point qu'elle se laissera arrêter avec un groupe de clandestins, comme si c'était son destin.
C'est à travers son regard que nous allons découvrir ce qu'est la vie d'un clandestin dans un centre de rétention administrative, sorte de prison sans en être vraiment: "il s'agissait de retenir contre leur gré des individus qui n'avaient commis aucun crime, en préservant leurs droits les plus élémentaires tout en les privant de l'essentiel, en restant inhospitaliers." Elle-même traverse cette période comme dans un rêve, son seul repère est un "retenu" biélorusse, Yuri, à qui elle va s'attacher comme à une ancre. Mais pour elle, tout est finalement différent, elle ne peut pas vivre comme une clandestine, elle n'en est pas une, même si elle a du mal à trouver sa place.
Ce n'est pas un témoignage à charge, mais plutôt une réflexion sur la migration, sur les histoires de toutes ces personnes qui se lancent hors de leur pays, au mépris de tous les dangers, à la recherche d'un peu de reconnaissance, de paix.

Les premières lignes:
   Du plus loin que je me souvienne, je me suis toujours sentie en situation irrégulière. Il me semblait qu'à tout moment quelqu'un pouvait surgir chez moi en hurlant: Police ! Contrôle d'identité ! et me contraindre à le suivre. C'était absurde, personne n'avait songé à me mettre à la porte, mon casier judiciaire était vierge, j'étais née en France et je n'envisageais aucune action terroriste. Pourtant, rien ne me terrifiait plus que la vision de policiers en uniforme. On eût dit que je cachais un cadavre dans mon sac à dos alors que tout ce que je dissimulais sous le masque de la citoyenne tranquille, c'était ma peur. Une appréhension réelle, sournoise, qui se manifestait par des palpitations, des tremblements incontrôlables.

Ma note: 8 / 10

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