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Blog à bouquins
12 mai 2010

Attente

41Iwc3sds5L__SL160_AA115_Le temps suspendu, Valeria Parrella

   "Attendre n'est pas mon fort. Attendre sans savoir a été la plus grande incapacité de ma vie", déclare l'héroïne de ce roman. Et pourtant. Enseignante en formation continue, Maria se dépense sans compter pour ses classes de camionneurs et de femmes de ménage en quête d'une seconde chance. Enceinte à quarante-deux ans, elle accouche d'une grande prématurée. Commence alors la traversée d'un temps suspendu: pendant deux mois, derrière le hublot de la couveuse, Maria observe Irene sans comprendre si son bébé est en train de mourir ou de naître. Autour d'elles, un monde insolite, les banquettes de la salle d'attente et le langage crypté des machines de réanimation, les infirmières, les autres mères; et un médecin plus humain ou juste plus jeune.
Un peu plus loin, le centre d'enseignement pour adultes, où immigrés et autres laissés-pour-compte du système scolaire essaient tant bien que mal de jouer les bons élèves. Enfin, en toile de fond, Naples, impitoyable mais captivante, est pour Maria tantôt la meilleure de compagnies, tantôt le pire obstacle.
Dans un style rapide et allusif, Valeria Parrella invente une voix pour l'espoir et la hargne d'une femme devenue mère en sursis.

  C'est une parenthèse dans la vie de cette femme, le temps de se retrouver elle-même dans l'attente que sa petite fille vive et respire. Sa vie, ses choix, ce qu'elle est et ce qui l'a construit, tout ceci défile sous nos yeux, dans un récit fluide, tout en émotion rentrée. L'auteur arrive à faire ressentir la souffrance de Maria dans l'attente, mais sans excès, à peine évoquée, mais sans insister.
  J'ai beaucoup apprécié ce livre, dont le sujet m'avait un peu refroidie, mais j'ai aimé la forme, comme un retour, un flash-back sur Maria pendant que la petite Irene se bat pour survivre. Ce n'est absolument pas larmoyant, bien au contraire, mais la souffrance n'est pas éludée non plus. On a une image tout à fait réaliste de la condition de parent "en sursis". Maria erre, ne vit que pour les visites à l'hôpital puis parvient à revenir dans la réalité avec les cours qu'elle donne au centre d'enseignement. Cela nous vaut quelques pages sur l'Italie en général et sur son système éducatif ou la société (le monde du travail...) par exemple. L'Italie étant un pays que je connais peu, j'ai donc aussi apprécié ces passages où Maria décrit la vie dans les petites villes de province, puis à la Ville.
C'est un livre que j'ai trouvé agréable à lire, malgré le sujet. Aérien, poétique, il se lit très facilement grâce à l'enchaînement des chapitres où l'auteur nous livre tour à tour ce qui fait la vie de Maria dans l'espoir de la "seconde" naissance de sa fille.

Merci à Chez-les-filles et aux éditions du Seuil pour m'avoir fait découvrir cette auteur.

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Les premières lignes:
   J'ai essayé. Tous les jours en attendant le métro pour l'hôpital, j'ai essayé de lire de la philo. Les premiers temps, ça marchait, parce que je ne pouvais compter que sur ma tête. Et question lecture, c'était une tête bien rodée.
   Dans les après-midi interminables de mes années de collège, les devoirs finis et la soirée encore loin, ma chambre se dilatait : le silence du temps arrêté résorbait tous les bruits montant des usines de conserves qui nous asphyxiaient, tous les reproches que mes parents se renvoyaient d'un bout du couloir à l'autre. Je lisais.
   Ma tête s'est rodée ainsi, ne se fiant qu'à elle-même. Alors, chaque fois qu'elle se sentait trahie par la réalité, elle se ralliait à cette équivoque : se suffire à elle-même.

Ma note: 8 / 10

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