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Blog à bouquins
1 août 2010

Métis

51mykYIClhL__SL160_AA115_Galadio, Didier Daeninckx

   Allemagne, années trente. Ulrich est un adloescent de Duisbourg comme les autres.A un détail près : sa peau est noire...
   Son père, un soldat africain, est venu en Allemagne avec les troupes françaises d'occupation chargées de veiller à l'application du traité de Versailles. Il est reparti en 1921, quelques mois avant la naissance de cet enfant, fruit d'un bref amour avec une jeune Allemande.
   Ils sont des centaines, comme Ulrich, à incarner ce qu'Hitler et les nationalistes ne cesseront de dénoncer, dans l'entre-deux guerres, comme la "honte noire", symbole de l'avilissement délibéré du sang aryen par les occupants. Leur sort ne sera en général guère plus enviable que celui des Juifs.
   Ulrich, pour sa part, va connaître un destin inattendu et mouvementé, et découvrir une autre facette de son idéntité: Galadio.
   Comme toujours, Didier Daninckx s'appuie sur une documentation très fouillée pour éclairer un aspect méconnu de l'histoire du vingtième siècle. Il révèle ici le sort terrible des Allemands métis dans un pays emporté par le délire nazi. De Duisbourg aux studios de cinéma de Babelsberg, jusqu'aux rivages du Sénégal, où se déroulent les premiers combats entre pétainistes et gaullistes, Ulrich apprend à connaître les hommes.

Encore un bon roman de Daeninckx, qui arrive toujours à concilier histoire et Histoire dans un ensemble captivant.
Nous suivons donc les traces d'Ulrich, dont le prénom "secret" est Galadio, en hommage à un de ses oncles africains, un des seuls souvenirs que sa mère a pu garder de son père, soldat français trop vite reparti. Jusqu'à présent, Ulrich vivait tranquillement à Duisbourg, mais l'emprise du nazisme et de ses théories aryennes commencent à se faire sentir. Par son regard, on se rend compte de l'absurdité du système - notamment dans la confiscation des animaux détenus par des Juifs - , mais la question est de savoir comment tout un pays a pu adhérer à ces idées. Nous n'avons pas la réponse, mais il reste juste ces gestes de rebellion qui nous font finalement croire encore en l'homme: l'histoire des parents d'Ulrich, le geste d'une amie dans un hopital pour éviter une opération handicapante, l'amour d'une jeune fille...
Ulrich - Galadio aura un destin hors du commun, c'est un peu comme un conte de fées, car il échappe au sort des métis allemands grâce au cinéma où il devient figurant, "un gentil Nègre". Il part ainsi à la découverte de ses racines africaines, mais comme tout métis, il reste tiraillé entre ses deux origines.
C'est un beau roman, je trouve. Le seul bémol que je lui mettrais, serait la rapidité de la deuxième partie, la partie africaine, j'aurais aimé qu'elle soit plus approfondie.

Les premières lignes:
   En hiver, ici à Ruhrort, le Rhin étire ses méandres aux reflets métalliques sur lesquels, par centaines, les voiliers, les vapeurs glissent en silence tandis que les convois interminables tirés par des locomotives accolées font trembler les arcades ajourées du pont de fer. La fumée noire des machines à la peine se fond instantanément dans le gris des nuages. Il neige depuis deux jours, et l'on ne fait déjà plus la différence entre la boue blanchie des berges et le béton des installations portuaires. Par endroits, là où le vent s'engouffre, l'eau des mares se fige. On y fera bientôt du patin. Comme chaque matin après avoir acheté le pain, je m'arrête à hauteur des entrepôts Gerson, fasciné par le rougeoiement des aciéries Phönix dont les dizaines de cheminées effilées tracent comme des barreaux sur un horizon de plomb.

Ma note : 8 / 10

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