Push

Precious, Sapphire

   Précious, seize ans, claque la porte. Elle ne se laissera plus cogner par sa mère, ni violer et engrosser encore une fois par son père. Jamais. Virée de l'école, elle envisage une nouvelle vie, loin de Harlem et du ghetto afro-américain de son enfance. Elle veut apprendre à lire et à écrire, raconter son histoire à travers des poèmes et élever dignement son fils.

Ce livre est un choc, d'une violence terrible. Les mots me manquent pour en parler. Que dire d'une telle horreur ? Que dire de la vie brisée, torturée de cette pauvre enfant ? Jouet sexuel de ses parents, elle s'est fermé au monde. Personne ne l'a jamais aidé, même lorsqu'à douze ans elle a accouché d'un enfant de son père. Obèse, noire, pauvre, enceinte, autant de critère qui lui font penser qu'elle ne peut s'en sortir.
Malgré tout cela, malgré cette prédestination immonde, l'auteur réussit à faire passer la force de Precious. Cette force qui la tire du néant, qui la soulève hors de cette fange, qui lui donne le courage de sortir un pas après l'autre de ce cloaque. Les progrès sont lents, mais ils existent, à la mesure de son ignorance du monde. Avec l'apprentissage dans une école parallèle, elle découvre qu'elle est une personne douée de raison, qu'elle n'est pas qu'une pauvre chose dont on peut jouir sans vergogne. Il a suffit qu'on s'intéresse pour une fois sincèrement à son cas pour qu'elle se découvre capable. Jamais personne ne s'était intéressée à elle !!!
Je rends aussi hommage à la traduction car le livre est écrit du point de vue de Precious et le vocabulaire employé est le sien, bourré de fautes, mais qui transmet sa fureur de vivre. Et la traduction le rend bien. La jeune fille découvre la puissance des mots, elle peut dire ce qui lui est arrivé, elle y met ses mots, elle comprend qu'elle n'est plus une victime. C'est le pouvoir des mots.
Bref, c'est un roman coup de poing, je ne crois pas qu'on en sorte indemne. On peut dire que la pauvre fille accumule les tares et que c'est même un peu trop, mais ce n'est jamais présenté de façon geignarde ou complaisante. Au contraire. C'est brutal comme une vraie vie, comme la réalité des autres jeunes paumées de sa classe.
J'ai trouvé que c'était un message d'espoir, que malgré tout, une fleur pouvait pousser sur un tas d'ordures. Car Precious est une fleur qui va peu à peu éclore. C'est tout ce que je lui souhaite.

Les premières lignes:
   J'ai redoublé quand j'avais douze ans pasque j'ai fait un môme à mon père. C'était en 1983. J'ai pas été en classe pendant un an. Là, ça va être mon deuxième môme. Ma fille est Très Somique. Elle est retardée. J'avais redoublé la seconde aussi, quand j'avais sept ans, pasque je savais pas lire (et que je me pissais encore dessus). Je devrais être en onzième, à préparer le passage en douzième pour avoir mon diplôme. Seulement voilà. Je suis en neuvième.
   J'ai été exclue temporaire de l'école pasque je suis enceinte et je trouve xé pas juste. J'y suis pourre rien !

Ma note: ?

Le roman de Sapphire, précédemment intitulé Push, a été adapté au cinéma par Lee Daniels, (avec Gabourey Sidibe, Mo'Nique,...) , sous le titre Precious (titre repris dans la nouvelle réédition du livre). Il est sorti en salle en mars 2010.